Paul Biya verrouille l’armée : la hantise d’un scénario à la gabonaise.
À trois mois de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre 2025, Paul Biya, 92 ans, orchestre un vaste remaniement militaire qui soulève de vives interrogations. Officiellement présenté comme une réorganisation stratégique, ce mouvement touche toutes les branches des forces armées : infanterie, marine, armée de l’air, gendarmerie et services spéciaux. Huit généraux de brigade ont été promus, et plusieurs chefs d’état-major remplacés. Le coordinateur du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), unité d’élite historiquement fidèle au régime, figure parmi les promus2.
Mais derrière cette manœuvre se dessine une autre réalité : la peur d’un renversement brutal, à l’image du coup d’État qui a évincé Ali Bongo au Gabon en 2023. Ce précédent semble hanter les palais présidentiels d’Afrique centrale, où l’armée joue souvent le rôle de dernier rempart du pouvoir. Biya, doyen des chefs d’État dans le monde, sait que sa longévité politique repose sur une fidélité militaire sans faille. En plaçant des hommes de confiance à des postes clés, il cherche à verrouiller l’appareil sécuritaire et à prévenir toute fronde interne.Ce remaniement militaire est aussi le reflet d’un système à bout de souffle. Depuis 1982, le régime Biya s’est construit sur la centralisation du pouvoir, la répression des voix dissidentes et une instrumentalisation des institutions. Aujourd’hui, alors que le pays est confronté à une crise anglophone persistante, à la menace jihadiste dans le nord et à une opposition de plus en plus audacieuse, le président semble plus préoccupé par sa survie politique que par la stabilité nationale. Le Cameroun ne manque pas de talents ni de ressources. Ce qui lui fait défaut, c’est un système politique capable de se renouveler. Le remaniement militaire de Paul Biya, loin d’être un signe de force, révèle les failles d’un régime qui redoute l’alternance et s’accroche à ses privilèges. À mesure que l’échéance électorale approche, la question n’est plus de savoir si Biya peut encore gouverner, mais jusqu’où il est prêt à aller pour rester au pouvoir.
Les champs obligatoires sont indiqués avec *